Elaboré par des députés de la majorité présidentielle, le texte entend contraindre les fabricants d’appareils connectés à proposer d’emblée ce type de dispositif. Il devrait être débattu à l’Assemblée nationale début 2022.
Après avoir encadré le travail des enfants influenceurs en octobre 2020, les parlementaires français entendent désormais renforcer la protection des plus jeunes lorsqu’ils utilisent manettes et claviers. Déposée le 3 novembre par des députés de la majorité présidentielle et rendue publique vendredi 12 novembre sur le site de l’Assemblée nationale, une nouvelle proposition de loi vise « à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à Internet ».
« On voit des témoignages se multiplier de personnes qui ne protègent pas assez l’intégrité physique et psychique de leurs enfants devant les écrans, défend Bruno Studer, député La République en marche (LRM) du Bas-Rhin, qui porte la proposition. Encore trop souvent, des enfants rencontrent accidentellement, mais pas seulement, des contenus problématiques ou qui ne sont pas de leur âge. » Les députés à l’initiative du texte invoquent dans leurs motifs les résultats d’une consultation et d’un sondage IFOP menés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), selon lesquels « 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents », tandis que « 46 % des parents de jeunes âgés de 8 à 17 ans ont mis en place des solutions pour suivre l’activité de l’enfant sur Internet ».
Face à ces usages jugés « préoccupants », les parlementaires estiment que les outils de contrôle parental restent encore trop difficiles à installer et à utiliser. Or, « de la même façon qu’on ne vend pas une voiture sans ceinture, on ne vend pas un appareil connecté sans contrôle parental », compare Bruno Studer, qui évoque plusieurs mois de travail et des discussions avec les associations de protection de l’enfance, les fabricants et opérateurs mais aussi le secrétariat d’Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, ainsi que celui de l’enfance et des familles.
Responsabiliser les parents d’internautes mineurs
Aujourd’hui, la plupart des terminaux sont déjà équipés d’outils de contrôle parental, et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique contraint les fournisseurs d’accès à Internet à en offrir à leurs abonnés. Mais cette nouvelle proposition, qui vient compléter le code des postes et des communications électroniques, va plus loin. Elle prévoit une obligation d’installer un système de contrôle parental gratuit pour tous les fabricants d’objets connectés, dont les smartphones, ordinateurs ou consoles de jeux. Et elle intime aux constructeurs de proposer cet outil dès la première mise en service. Le contrôle parental ne serait toutefois pas installé par défaut : les parents devront a priori choisir eux-mêmes de l’activer. Quant à la nature exacte du dispositif, elle sera déterminée plus tard par voie réglementaire.
« Tout outil qui a tendance à renforcer la vigilance ou inciter les parents à s’intéresser aux pratiques de leur enfant est bon à prendre, se félicite Olivier Gérard, responsable des médias et usages numériques à l’Union nationale des associations familiales (UNAF), avec laquelle les députés ont discuté au cours de l’élaboration du texte. Mais cela ne doit pas déresponsabiliser les parents, qui doivent tenter de comprendre ce que font non seulement leurs enfants sur leur téléphone, mais aussi pourquoi ou comment ils se sont rendus sur un site ou ont téléchargé tel programme. Car le contrôle parental ne distingue pas les navigations accidentelles des démarches volontaires, c’est aux adultes d’initier le dialogue. »
Marie Mayoud, présidente et cofondatrice de la Digital Parenting Foundation, assure de son côté « souscrire au principe de cette démarche ». Son fonds de dotation, créé en février 2020 et à l’origine de travaux sur le contrôle parental numérique, a pu également échanger avec les députés, sans toutefois accéder au texte. Elle souhaite que l’Etat aille plus loin dans l’étude des comportements, la formation et la conception de services en ligne à destination des parents :
« Nous appelons de nos vœux la création d’un observatoire des usages du contrôle parental. Aujourd’hui encore, une part importante de parents méconnaissent totalement les usages numériques de leurs enfants. »
Si elle est adoptée, la proposition de loi confiera le contrôle de ces nouvelles obligations faites aux constructeurs à l’Agence nationale des fréquences, qui supervise déjà la mise sur le marché des équipements. Les députés espèrent que le texte sera examiné à l’Assemblée nationale au début de l’année 2022, pour une mise en application dans le courant du premier semestre.
Article publié dans : Le MONDE